Le journal belge met en lumière en détail Le Soir l’opération des autorités belges qui a conduit à l’arrestation d’Eva Kaili, Francesco Georgie, Pierre Antonio Panchery et d’un autre homme dans le cadre du Qatar-gate.
L’article reprend le fil de la matinée du 9 décembre, lorsque l’opération de police a eu lieu.
« Se cachant devant la maison du député européen grec Eyas Kaili, les membres du parquet fédéral belge attendent patiemment depuis vendredi matin que son compagnon Francesco Georgie quitte la maison de la rue Wuertz, au cœur de la banlieue de Bruxelles. En raison de l’immunité du député européen, la police ne pouvait pas y pénétrer », indique la publication, qui poursuit en relatant les événements.
Ce matin-là (vendredi), la vaste opération du parquet fédéral anticorruption – qui avait été soigneusement préparée depuis la mi-juillet – a commencé, avec comme principal suspect l’assistant du Parlement européen et l’un des responsables de l’ONG Fight intimity, Francesco Gozzi.
Jusqu’à ce moment, un dossier de données sensibles, traité par une « poignée » de juges, était sous « embargo » pour éviter toute fuite.
Pour les enquêteurs de l’Office Central pour la Répression de la Corruption (OCRC) qui mènent l’enquête sous les instructions du juge financier. Michel Claise, la saisie du téléphone de Georgie et son interrogatoire sont essentiels.
Dès qu’il s’éloigne du garage, les hommes des équipes spéciales l’immobilisent. Son arrestation sera le début d’une série de 16 personnes recherchées dans l’environnement européen, dans plusieurs communes de Bruxelles et de sa banlieue.
La nouvelle fait le tour du monde depuis qu’elle a été publiée vendredi soir par Le Soir et Knack.
600 000 euros en espèces
La police, avec l’aide de la police judiciaire fédérale, arrive au domicile de plusieurs fonctionnaires du Parlement européen et pose des scellés sur leurs bureaux. Mais dans un premier temps, ils vont perquisitionner la résidence de l’ancien député européen (2004 – 2019) et président de l’ONG Fight intimity, Pier Antonio Panzeri à Bruxelles. Les autorités débusqueront alors environ 600 000 euros en espèces.
Panjeri est soupçonné par les procureurs d’être le « cerveau » d’une éventuelle organisation criminelle recevant des fonds d’un État étranger – en l’occurrence le Qatar – pour influencer les décisions politiques et financières du Parlement européen à l’aide d’argent et de cadeaux.
Pour toute l’Europe, c’est une surprise, et en plein milieu de la Coupe du monde.
Antonio Panceri, 67 ans, est membre du mouvement démocratique et progressiste italien Articolo Uno, né en 2017 d’une scission au sein du Parti démocratique italien. Entre janvier 2017 et juillet 2019, il a présidé la sous-commission parlementaire des droits de l’homme et la délégation pour les relations de l’Italie avec les pays du Maghreb.
Il convient également de noter qu’en 2017, à la suite d’une enquête de l’Olaf – l’Office européen de lutte antifraude – le Tribunal de l’Union européenne a rejeté un recours introduit par M. Panzeri contre une décision du Parlement de 2016 l’obligeant à rembourser 83 764 € de fonds indûment perçus.
Mais outre Panzeri et Georgie, deux autres hommes ont été convoqués dimanche matin pour témoigner devant le juge d’instruction. Le lobbyiste syndicaliste italien, Luca Visentini, nouvellement élu à la tête de la Confédération syndicale internationale (CSI), ainsi qu’un quatrième, d’origine italienne, actif dans la communauté des ONG, M. « T. ».
À midi, l’opération de l’accusation a été conclue avec succès. De l’argent liquide a été découvert et plusieurs téraoctets de données ont été saisis.
Parallèlement à ce raid, la police a perquisitionné plusieurs maisons d’assistants du Parlement européen – tous liés au groupe S&D – mais aussi d’autres fonctionnaires, des lobbyistes et plusieurs associations.
Les téléphones portables et les ordinateurs sont confisqués. Au Parlement européen, plusieurs bureaux de ces mêmes assistants sont mis sous scellés afin de procéder à des saisies de dossiers lors d’une prochaine opération, notamment les bureaux des assistants des députés européens belges. Marie Arena et Marc Tarabella. Interrogée, l’eurodéputée socialiste a affirmé que son assistant travaillait pour l’ONG de M. Panjeri, ce qui, selon l’eurodéputée, expliquerait les problèmes de justice : « Cela n’a rien à voir avec le fait qu’elle soit mon assistante », dit-elle.
Midi est arrivé et l’inattendu s’est produit. La presse rapporte l’arrestation de Francesco Georgie. Au même moment, un homme quitte l’hôtel Sofitel à Bruxelles. Ce n’est autre que le père d’Eva Kaili. Lui et sa femme séjournaient pour quelques jours à Bruxelles. Son « beau-père » Francesco Georgie porte un sac de cabine. Rien de terrible, sauf que l’intérieur est plein de billets de 50 euros. Une équipe de police l’arrête.
Dans la Coupe du monde qui se déroule actuellement à Doha, on appellerait cela le « football panique ». Dans le jargon juridique, ça s’appelle une autopsie. L’immunité parlementaire d’Eva Kaili n’existe plus.
La police fédérale mobilise une dizaine de policiers qui ont participé aux enquêtes tôt le matin. Ils sont accompagnés à l’occasion par le juge financier Chaise lui-même. Ils partent tous à la recherche d’un des 14 vice-présidents du Parlement européen. Mais les surprises ne s’arrêtent pas là.
Cadeaux du Qatar avec… amour
Dans la résidence en question, les autorités fédérales chargées des poursuites découvriront des sacs d’argent liquide. Sacs de luxe et autres sacs de voyage remplis d’argent. Une source familière avec l’affaire a déclaré : Ce sont des choses que l’on voit lors des enquêtes sur les trafiquants de drogue ».
L’argent est en billets de 20 et 50 euros. La police n’a pas encore été en mesure de préciser le montant exact du « trésor » car une partie de celui-ci est envoyée pour une analyse scientifique. Mais, selon des sources croisées, il y avait environ 600 000 euros dans la valise du père et au moins 150 000 euros en liquide dans l’appartement d’Eva Kaili, selon une estimation prudente.
Mieux encore (ou pire selon votre point de vue), l’appartement d’Eva Kaili était meublé de cadeaux signés par le pays prétendument impliqué dans le scandale de corruption : des médailles et autres objets de valeur du Qatar. Autant de preuves pour lesquelles le couple Kaili-Georgi et le père de l’eurodéputé grec ont dû s’expliquer ce week-end.
« Vendredi après-midi, nous pleurions de joie », déclare une deuxième source proche de l’enquête. « Même si on prend du recul par rapport aux faits, c’est une affaire extrêmement grave et nauséabonde ».
La députée européenne et son compagnon passeront deux nuits « en prison » à être interrogés par le juge. Son père passera également une nuit en détention avant d’être libéré après son interrogatoire samedi.
Alors que l’attention des médias est focalisée tout le week-end sur Bruxelles et ce scandale sans précédent, les autorités judiciaires préparent une dernière opération très sensible : il est décidé de perquisitionner le domicile d’un autre député européen. Le socialiste belge Marc Tarabella.
Vendredi, le bureau d’un ancien collaborateur de M. Tarabella au Parlement européen a été scellé, avec les initiales G.M. GM était auparavant l’un des assistants de Pier Antonio Panzeri. Bourgmestre de la commune d’Anthisnes (province de Liège), député européen d’août 2004 à juillet 2007 puis à partir de juillet 2009, il est vice-président de la délégation du Parlement européen pour les relations avec la péninsule arabique.
Une enquête dans ce cas nécessite la présence du Président du Parlement européen, Roberta Metsola. « L’article 59 de la Constitution belge impose en effet la présence de la présidence du Parlement en cas d’enquête sur un député élu en Belgique. Le Parlement européen et le Président Metsola sont fermement opposés à toute corruption et coopèrent activement et pleinement avec les enquêteurs et les autorités judiciaires », déclare un porte-parole du PE.
Mme Metsola est appelée d’urgence par Malte. Elle atterrit tard à Bruxelles, juste avant que le temps de l’enquête ne soit écoulé, car les enquêtes à Bruxelles ne sont autorisées que jusqu’à 21 heures. La police emmène le Président directement à Anthisnes. Il est temps de confisquer le téléphone portable et l’ordinateur du député Tarabella.
M. Tarabella était initialement furieux de la nomination du Qatar comme pays hôte de la Coupe du monde. Mais lentement, depuis l’année dernière, il a commencé à assouplir sa position, multipliant même les interventions en faveur du pays du Golfe et s’y rendant plusieurs fois en voyage officiel.
Avant de dénoncer une prétendue « course au Qatar » dans une série de conférences et d’interventions médiatiques à l’approche de la Coupe du monde.
L’eurodéputé en question a alors fait savoir aux autorités qu’il n’avait « rien à cacher » et a déclaré vouloir coopérer avec l’enquête.
Dimanche, nous avons enfin appris la libération conditionnelle de l' »ultra-syndicaliste » Luca Visentini. Mais surtout, l’inculpation pour corruption, blanchiment d’argent et organisation criminelle d’Eva Kaili, Francesco Giorgio, Pierre Antonio Pangeri et M. « T » a été rendue publique. Tous les quatre ont été emprisonnés.
Sous le poids des annonces du parquet belge, l’eurodéputée grecque restera dans la prison pour femmes jusqu’à cinq jours et se présentera ensuite à nouveau devant les autorités, qui décideront finalement de la maintenir ou non en détention jusqu’au début du procès de l’affaire.
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