La rhétorique provocatrice de Vladimir Poutine et sa décision de déclarer un recrutement partiel de réservistes pour la guerre en Ukraine ont suscité une vive inquiétude.
Et alors que personne ne sait ce que sera la prochaine action du président russe et jusqu’à quel point elle sera extrême (puisqu’il a mis l’utilisation du nucléaire sur la « table »), l’enquête de l’UE sur l’utilisation de l’énergie nucléaire est en cours. Emmanuel GrynszpanLe journaliste du journal français Le Monde répond à huit questions clés qui ont surgi depuis le discours explosif de M. Poutine hier.
1. Les Russes suivront-ils Poutine ? Accepteront-ils la conscription partielle ?
« Il y a beaucoup de suspense ici. Les premières réactions ont vu une « explosion » des ventes de billets d’avion pour quitter le pays. Les vols sont tous complets. Parmi mes connaissances à Moscou, la nouvelle a généralement eu l’effet d’une « douche froide ». Certains ont déjà reçu des appels pour se rendre au bureau de recrutement. Mais ce n’est pas représentatif. Il faudra probablement plusieurs jours pour comprendre comment la population réagit.
2. N’est-il pas paradoxal d’affirmer que vous n’avez perdu que 6 000 soldats, mais que vous devez en mobiliser 300 000 ?
Oui, mais la propagande russe suit un récit qui est loin de la réalité et des faits. La plupart des Russes ne croient pas aux chiffres officiels des pertes de l’armée russe, qui se situeraient entre 20 000 et 30 000, auxquels il faut ajouter quelque 50 000 blessés (selon les sources du renseignement occidental).
D’autre part, le chiffre de « 300 000 hommes » est préliminaire. Le ministre de la défense a expliqué que la réserve totale de l’armée s’élève à 35 millions d’hommes. Dans l’ukase (décret) signé par Poutine ce matin, l’objectif chiffré de la mobilisation partielle apparaît dans la 7e clause, qui est classée.
3. Y a-t-il des nouvelles de la contre-offensive de l’Ukraine ? Y a-t-il eu d’autres avancées significatives ?
La contre-offensive ukrainienne se poursuit dans le nord du Donbass. Plusieurs localités ont été libérées mardi (20/9) dans la région de Donetsk par l’armée ukrainienne, qui a pénétré jusqu’à la région de Louhansk. L’armée ukrainienne est aux portes des villes de Lyman et de Lyssytchansk, qui sont très importantes tant d’un point de vue symbolique que tactique.
Une deuxième contre-attaque se poursuit également à Kherson, mais sans progrès apparent depuis une semaine. Il convient de noter que l’état-major ukrainien reste très prudent dans ses communications et ne rend compte qu’après un délai de plusieurs jours, parfois plusieurs jours, des villes reconquises.
4. La conscription partielle pourrait-elle être étendue aux territoires « annexés » ? Autrement dit, la Russie pourrait-elle recruter de force des Ukrainiens du Donbas dans l’armée russe ?
Les républiques autoproclamées de Donetsk et de Louhansk n’ont pas été « annexées » pour l’instant, mais seulement « reconnues » comme « indépendantes », c’est-à-dire séparées de l’Ukraine par Moscou. Seule la Crimée a été officiellement annexée en 2014.
Dans les « républiques », la mobilisation est terminée depuis plusieurs mois déjà. Il s’agit de zones illégales où les hommes sont arrêtés dans la rue et emmenés au front sans autre forme de procès.
D’innombrables vidéos de ces arrestations circulent sur les réseaux sociaux, où l’on voit, par exemple, des mères ou des épouses attaquer les policiers qui emmènent leurs fils ou leurs maris. La population masculine de ces régions a déjà été réduite par les autorités russes, qui dictent leurs besoins aux autorités locales coopérantes.
5. Le discours de M. Poutine était avant tout dirigé contre l’Occident qui, selon lui, alimente le conflit par des livraisons massives d’armes et un fort soutien des services de renseignement américains. Peut-on en conclure que cette mobilisation partielle et la menace très claire de recourir à l’arme nucléaire constituent en fait une déclaration de guerre à l’OTAN, dans le sens d’une possible globalisation du conflit ?
Non, il n’y a pas de déclaration de guerre à l’OTAN, mais une poursuite de la rhétorique d’intimidation envers l’Occident, qui dure au moins depuis 2014. L’armée russe ne peut pas égaler celle de l’OTAN, et subit déjà des pertes avec l’armée ukrainienne. Par le biais de l’intimidation nucléaire, Vladimir Poutine cherche à diviser l’Occident afin que ce dernier arrête ou réduise ses livraisons d’armes à l’Ukraine et le force à venir à la table des négociations. Pour la Russie, les négociations sont simples : capitulation de l’Ukraine et cession des territoires déjà occupés.
6. Étant donné que les résultats des référendums doivent être ratifiés immédiatement (c’est-à-dire à la fin du mois de septembre) et que l’on ne peut imaginer que les Ukrainiens cesseront leurs attaques, y compris sur les territoires nouvellement « annexés », n’y a-t-il pas un risque que Poutine utilise effectivement des armes nucléaires ?
Poutine brandit ouvertement la menace nucléaire et affirme : « Ce n’est pas du bluff. C’est exactement ce que pensent de nombreux observateurs : Poutine bluffe, intimide, pour s’accrocher à ce qui reste de sa crédibilité après que son armée a subi une défaite importante.
En théorie, le risque que Poutine lance un feu nucléaire sur l’Ukraine existe. Mais, en réalité, nous pouvons en douter car personne n’y a intérêt. Les radiations vont toucher le sol russe.
Il est très probable que les régimes qui soutiennent Moscou aujourd’hui (le Belarus et la Chine) verront d’un très mauvais œil une telle option. D’autre part, les réponses européennes et américaines à une telle escalade sont inconnues.
7. Les Russes s’en vont, mais pourquoi ne se rebellent-ils pas ?
Les Russes ne se sont pas encore rebellés. Pour diverses raisons. De nombreux Russes politiquement actifs dans l’opposition ont déjà émigré ou sont derrière les barreaux. S’opposer à la guerre, ne serait-ce qu’en l’appelant par son nom – « guerre » – comporte des risques importants : licenciement immédiat, poursuites judiciaires, prison, amendes, mort sociale. Il faut beaucoup de courage pour faire face à cette situation.
8. Au niveau international, Poutine pourrait-il se retrouver isolé de ses partenaires (Inde, Chine, Iran, etc.) en restant sur sa position actuelle (capitulation de l’Ukraine, cessions de territoires occupés) ?
Après le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) du week-end dernier (17-18 septembre), les dirigeants chinois et indiens ont publiquement exprimé à Poutine (en termes diplomatiques subtils) leur frustration face au chaos provoqué par l’invasion russe.
L’Inde et la Chine profitent du conflit pour exiger d’énormes remises sur les hydrocarbures achetés à la Russie. Mais cela ne suffit pas à compenser les perturbations logistiques, financières et économiques causées par les sanctions internationales contre Moscou.
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